On dit que le mieux est l’ennemi du bien. C’est un adage qui me parle tout à fait ! Je suis en effet rarement satisfaite de ce que je crée, et j’essaye sans cesse de faire mieux (alors que, déjà, atteindre et surtout maîtriser le « bien » serait suffisant 😉
Mes travaux brodés par exemple.
Souvent, en ajoutant des détails, en essayant de perfectionner des créations qui n’en ont pas forcément besoin, je rend la lecture compliquée en remplissant inutilement des zones ou en ajoutant des détails et l’œil ne sait plus où se poser… Comme si j’avais peur du vide, du blanc, de l’espace et qu’il fallait absolument remplir.
Trouver d’abord le juste équilibre entre le dessin, les couleurs et la composition, c’est ce qui est le plus difficile. Souvent, je suis contente de mon dessin tracé sur la toile, je trouve les touches de peintures réussies… Mais, une fois la toile recouverte de broderie, les traits se tordent, le fond est trop présent et je suis déçue par rapport à ce que j’avais imaginé.
Le sentiment de frustration est grand quand on ne parvient pas à créer quelque chose qui nous plaît, quand on n’obtient pas exactement ce qu’on avait imaginé : manque d’inspiration, ouvrage créé pour occuper nos mains ou nos têtes, manque de technique ou de réelle aptitude, manque de temps…
Alors, j’ai voulu redécouvrir certains de mes ouvrages, poser sur eux un regard neuf : trouver un angle différent, ajouter des éléments, revoir les formes, ajouter des points de broderie, et ainsi, pourquoi pas, leur donner une nouvelle vie.
J’ai donc fouillé dans mes tiroirs et ressorti tout un tas de broderies, pas terminées ou laissées de côté depuis longtemps.
J’ai fait 3 tas.
❶ Les créations à jeter
Ce sont les broderies vraiment ratées, les irrécupérables, les essais brodés sur des tissus moches, tous les visages brodés tordus, les coupons saturés de points de broderie, de fils dans tous les sens, les compositions affreuses. Les vraiment pas montrables : qu’ai-je voulu faire avec cette silhouette disproportionnée aux couleurs éteintes ? Et cet horrible portrait ? Je suis presque gênée d’avoir fait des trucs si laids !
Alors, sans état d’âme, direct poubelle !
❷ Les créations à garder
Ce sont les broderies que j’aime, mes essais intéressants, les portraits brodés réussis, les couleurs bien accordées ou encore les broderies qui me rappellent un moment particulier… Celles-ci, je n’y touche pas.
❸ Les créations à améliorer
Elles peuvent être les plus intéressantes. Ces derniers mois, j’ai perfectionné mon style, amélioré mon geste, je tourne moins autour de mon sujet… C’est pour cela que je me dis que certaines anciennes broderies peuvent être « sauvées » : les non terminées mais prometteuses, celles qui ne nécessitent qu’un recadrage ou un à-plat de couleur pour avoir un vrai style… Ici, un point de piqûre pour remodeler une courbe, là un point blanc placé dans l’œil pour donner de l’éclat à un regard, ou encore une bordure pour structurer et donner un cadre.
J’ai placé tous ces ouvrages dans une pochette : je les retravaillerai dès que j’aurais un moment de libre. Et j’en ai sélectionné certains pour faire un avant/après.
C’est parti pour les avant/après !
Les toits de Paris
Avant
J’avais peint et brodé les toits de Paris sur une fine toile de coton (sûrement un vieux drap), avec les différentes nuances de gris et de bleus : les toits en zinc, les cheminées, les antennes, les fenêtres, la vie que l’on devine derrière ces fenêtres (le jaune de la fenêtre)… Toute cette architecture et ces couleurs que j’aime tant. Je ne sais plus vraiment pourquoi j’avais mis de côté cette broderie.
Après
Pour ne pas dénaturer le « tableau » (vous savez, le mieux…), j’ai simplement repassé sur les différentes lignes déjà brodées au fil noir pour souligner davantage les contours et affirmer le trait, placé plus de fils jaunes dans la fenêtre pour accentuer l’effet de soir qui tombe (et la lumière derrière la fenêtre), rehaussé quelques coloris avec un peu d’aquarelle. Les modifications sont subtiles, mais là encore j’ai eu peur d’en faire trop, et de perdre le côté « croquis », avec les lignes un peu tordues, qui me plaît bien. Et puis, cette fois-ci, je n’ai pas fait de bordure de peur d’enfermer la broderie…
Œil et lunettes
Avant
J’avais brodé ce morceau de lin au moment de ma période « œil ». J’aimais bien l’idée de broder des lunettes, moi qui déteste tant porter les miennes.
Après
J’ai appliqué davantage de fils marron pour mieux figurer l’écaille des montures (fils moulinés DMC de 2 coloris différents) et un contour au fil noir pour structurer l’ensemble.
Et toujours un point de feston pour la bordure : une ligne blanche, une ligne noire.
Portrait
Avant
Un dessin au feutre sur une toile, des touches d’encre noire pour les cheveux et des lignes verticales au passé plat dans un ton vert amande en laissant en réserve des « bulles » à différents endroits pour laisser apparaître la toile.
Après
J’ai brodé les « bulles » au passé plat et avec plusieurs coloris, j’ai aussi ajouté une ombre sur les paupières et tracé le contour des lèvres. En fait, les pastilles de couleur n’apportent rien à cette broderie et l’alourdissent plutôt, non ? (ceci dit, la différente dominante couleur sur les 2 photos n’aide pas non plus !).
Trytique : 3 visages
Avant
J’aimais beaucoup l’idée de cases comme une BD, avec des cadrages serrés sur des visages. Et j’aimais bien la couleur bistre de la toile. Mais le format à l’horizontal n’est pas vraiment adapté : placer les cases les unes au-dessus des autres aurait été plus judicieux… D’ailleurs, en revoyant cette broderie, je sais bien que seules les 2 premières cases ne sont pas complètement ratées.
Après
J’ai repassé du fil noir sur les yeux et les sourcils, ajouté 2 petits points blancs sur les yeux du visage central, coloré la bouche à droite à l’aquarelle et ajouté une bordure au point de feston (une ligne blanche, une ligne noire) tout autour. Mais en fait, bof. C’était mieux avant !
Le taureau
Avant
J’avais utilisé davantage de peinture que de fil pour faire ce taureau : je voulais une ambiance très forte, avec des couleurs vives. Seuls quelques points de broderies rehaussaient le fond et l’animal, comme des touches de peinture à l’huile appliquées au pinceau : du noir, du rouge et du jaune.
Après
J’ai seulement ajouté quelques points de broderie ici ou là, et accentué le blanc des cornes avec du fil. J’ai laissé le fond avec toutes les nuances de couleurs fondues, alors je l’ai à peine touché. Pour finir, j’ai brodé une bordure au point de feston.